Rencontre décisive.

" Dépa...ren ? c'est quoi déparen ?"

" Ben les parents, c'est les gens qui s'occupent de toi, qui sont avec toi depuis
toujours, ceux qui te nourrissent et t'habillent, quoi!"

" Alors je suis déparen ?"

Le jeune garçon en face de Petit pas ouvre de grands yeux l'air de se demander à qui il a à faire.

" Heu...je sais pas, les parents c'est des adultes, d'habitude..."

" Ben moi j'ai toujours ramené la bouffe et les fringues pour le camp, je me levais juste avant le soleil pour pas croiser des gens, mais pas trop tôt pour pas me faire attaquer par les grosses bestioles. Je devais partir avec le plus de sacs possible et revenir avec des choses bonnes, sinon, je mangeais les trucs toxiques et on me filait les vieilles loques. Alors j'ai appris à fouiller, et à courir aussi, pa'ceque des fois j'étais obliger de voler dans d'autres camps pour manger du bon !"

La gamine gonfle tant bien que mal son torse rachitique.

"Alors j'suis déparen, t'vois bien !"

Le garçon écoute, muet.

"Et pis je sais récolter et reconnaitre les plantes, ça j'ai appris toute seule, comme ça quand j'avais fait une bonne récolte, je pouvais me balader dans la nature et observer, me reposer et grignoter avant de rentrer. ..Au camp s'était jamais calme, on me demandais toujours de faire plein de choses en me criant dessus. Mais maintenant c'est fini, je fais ce que je veux ! "

Elle sourit, montrant une dent en moins.

"Tu t'es enfuies ? Qu'est ce qu'y s'est passé ?"

"Le chef me disais toujours que je lui devais la vie, qu'il m'avait trouvé sous un corps à moitié dévoré et que s'il l'avait pas retourné pour mieux fouiller les poches, je serais morte de froid ou de faim, ou dévorée....Alors comme il disait souvent, j'lui en devais une !
Mais plus je grandissait et plus il me regardait bizarrement, il me pinçait les fesses en passant, il me plaquait contre un mur pour me p'loter les seins, bref il voulait forniquer avec moi comme il le faisait avec les autres femmes... Mais j'étais pas trop d'accord, et je m'esquivais le mieux que je pouvais, mais ça a pas duré.
Un soir qu'il avait bien bu -une bouteille entière que j'avais ramené d'un de mes raid, il m'a bloqué au sol et alors qu'il essayé de sortir son machin tordu, je lui donnait un coup d'aiguilles empoisonnées que j'avais réussi à dissimuler dans mes frusques. Surprit, il se releva et sans me retourner, j'ai fui aussi loin que mes jambes m'ont porté...

Je suis jamais retourné là-bas, mais j'ai appris que les adultes c'étaient entre-tués après la mort du chef...sûr'ment pour prendre sa place, pour le pouvoir..."

"Ouaip, les adultes ils sont bizarres des fois ! Et tu es restée seule après ?"

"Ben, j'ai bien essayé plusieurs fois de vadrouiller avec d'autres personnes, de me poser dans des camps, mais à chaque fois qu'y avait des adultes, ça partait en vrilles, du coup je survie comme je peux...Le plus souvent seule, j'ai plus confiance aux
adultes !"

"Ben si tu veux on a qu'a rester ensemble, entre enfants, comme ça on pourra s'entraider !"

Petit Pas sourit de nouveau, deux fois dans la même journée, c'est plutôt rare. Elle décide de le suivre.

Encore
une journée de recherches...recherche de bouffe, j'ai tellement faim, recherche
d'un abri au sec, recherche de compagnons pour être plus en sécurité...

Je ne sais plus quoi faire...depuis que mon pote à disparu.

On marchait tranquille à la recherche de fringues potables quand on s'est fait
attaquer par une bande d'adultes assoiffés de sang. Ils nous ont attaqués sans
raisons apparentes - comme à chaque fois lorsqu'on a à faire aux
"grands"- , je suis tombé la première, je ne sais pas me battre, moi,
je préfère parler pour régler les conflits... Bref, je suis tombée dans les
pommes, salement amochée et me suis retrouvé chez un drôle de personnage...un
toubib qui soigne contre des informations sur le passé... ou pour rien, comme
pour moi, pa'ce'que j'sais rien et ça m'intéresse pas de vivre dans le
passé...on galère assez dans le présent...

Mais je me suis retrouvé seule...le type savait pas où se trouvait mon ami,
s'il était mort parmi tant d'autres, ou s'il avait survécu...

Maintenant je erre sans but, sans convictions, sans envies...Je cherche mon
pote sans grandes certitudes, je cherche un peu la meute de mioche dont j'ai
entendu parler, mais je suis souvent seule...trop souvent seule et sans
défenses...