La Meute des Mioches
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... Marre des vieux cons !

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Message par Dricka Dim 30 Mai - 1:54

Dricka soupira après un dernier coup d’œil vers l’abri qu’elle venait de quitter. Les barricades avaient vite été replacées après son passage et elle sentait presque le soulagement des autres habitants du campement. Elle donna un coup de pied boudeur dans un caillou qui se trouvait là, l’envoyant dans un tas de vieux bidons rouillés.

Pfff, c’est dégueulasse…

Elle resserra la sangle de sa besace en bout de course autour de ses frêles épaules : il se pourrait bien qu’elle ait à courir et ce serait plus simple sans sentir l’énorme fourre-tout qui rebondissait dans son dos à chaque pas.
Sans compter le gros bidon qu’elle serrait contre elle et qui contiendrait bientôt de quoi alimenter ses congénères en eau pendant quelques jours, histoire de subsister encore un peu plus longtemps. Si toute fois elle parvenait à revenir…
Après un dernière ajustement, elle balaya les vestiges de rue qui se trouvaient devant elle. Une tour de verre aux fenêtres étoilées, une grande place où l’asphalte gondolait sous la poussée des racines mutantes, un silence inquiétant où seules les bourrasques de vent s’engouffraient en gémissant, lui donnant la chair de poule. Partout autour d’elle, on ne voyait qu’un spectacle de désolation, spectacle qu’elle avait toujours connu et qui ne parvenait même plus à l’émouvoir. Gamine, on lui avait raconté qu’avant, les vitres de la tour resplendissaient sous le soleil, qu’on pouvait même se mettre au soleil sans craindre de brûler au bout de dix minutes d’exposition, que les gens étaient heureux, qu’ils étaient très nombreux et qu’ils n’avaient pas les boyaux retournés à la simple idée de sortir de chez eux. Tant de légendes, tant de chimères… Avait-elle vraiment existé, cette époque glorieuse ? Dricka avait vraiment du mal à le croire quand elle voyait la race humaine se tapir misérablement dans des recoins sombres pour survivre ne serait-ce qu’un jour de plus. Les plus vieux avaient pour projet de retrouver la civilisation, éblouis qu’ils étaient par les histoires de la première génération, tous morts depuis longtemps.
Aaah, ils avaient les yeux qui brillaient rien que d’en parler, des rêves plein la tête, des espoirs fous… Mais elle, elle savait que même en retroussant tous leurs manches et même avec l’aide de ceux aux yeux gris, ce qui ne risquait pas d’arriver vu leur animosité à leur égard, ils n’arriveraient jamais à retrouver le niveau de vie de ceux d’avant. Durant une exploration qui avait assez mal tourné d’ailleurs, des gars avaient trouvé dans une boîte métallique un truc bizarre tout plat avec deux tranches épaisses et des plus fines dedans, un peu comme un sandwich mais en trop dur à mâcher et pas bon en plus. Dedans, ils avaient trouvé des dessins bizarres et des symboles très serrés à côté.
Sûrement des indices ? Les plus intelligents passaient déjà des heures à se crever les yeux dessus en espérant en percer le secret : c’était leur seule piste et ils s’y accrochaient comme des crabi-moules à corne sur leur rocher. Pour Dricka, c’était une perte de temps. Pourquoi ne pas essayer de repartir d’un bon pied et de trouver un compromis entre ce qui a été et ce qui pourrait être ? Mais Dricka était toute petite et au vu de sa taille, ce n’était certainement pas elle qu’on allait écouter ou lui demander conseil. On écoutait toujours les plus grands et les plus chétifs étaient toujours désignés pour les corvées dangereuses, comme aller chercher de l’eau, par exemple… Précisément la raison de sa présence hors de l’enceinte protectrice du camp. Elle soupçonnait les autres d’avoir truqué le tirage au sort pour l’y envoyer une nouvelle fois.

Pfff, les salauds… Ils vont voir !

Après avoir ronchonné et maudit ceux de son camp, elle renifla bruyamment de mépris et rentra la tête entre ses épaules. Serrer les fesses et courir jusqu’à l’unique source d’eau du coin en espérant ne rien croiser, c’était sa technique. La seule valable, d’ailleurs. Elle s’élança avec souplesse entre les bâtiments ravagés et bralants, essayant de faire le moins de bruit possible. Faire du bruit, c’était un coup à s’attirer plein d’ennuis comme par exemple, une mort assurée… Tout le monde le savait, du moins ceux qui revenaient pour partager leurs impressions sur le sujet. Un peu avant d’arriver à la source, elle se camoufla derrière un pan de mur à moitié écroulé et rongé par les pluies acides. Ses sens en alerte, elle osa un coup d’œil furtif vers la source : rien ni personne. Parfait. Elle se coula jusqu’au vieux tuyau rouillé d’où gouttait une eau peu engageante mais potable et sans attendre, plaça son bidon au-dessous. Il ne restait plus qu’à attendre… Attendre longtemps que son bidon se remplisse pour pouvoir retourner au plus vite à l’abri de leurs maigres remparts.
Goutte après goutte, le bidon se remplissait lentement. Elle était presque au trait rouge qui indiquait la quantité d’eau adéquate pour survivre trois jours durant, lorsque un mouvement dans la périphérie de sa vision lui fit tourner la tête. Malgré sa petite taille, elle prit un air hargneux, la peur au ventre. En face d’elle, un pauvre gosse aux yeux gris terrifiés la fixait, un bidon serré entre ses bras malingres.

Les Turnes aussi, il faut qu’ils boivent…

- J-je veux juste… de l’eau… Je…

Le pauvre gosse semblait au bord des larmes. Visiblement, c’était la première fois qu’on l’envoyait à la source. Ceux aux yeux gris ne ménageaient pas tellement leurs petits, tout comme chez les Enmus. Dricka le toisa un moment, puis ramassa son bidon et reprit le chemin du retour sans rien dire, mais avec une légère méfiance. Elle n’allait pas massacrer un gosse, mais on ne pouvait jamais trop savoir ce que les Turnes manigançaient… Le retour allait être plus long avec le bidon plein. Elle s’arma de courage et commença à trottiner le plus vite possible sans s’entraver. Renverser le bidon, c’était la condamner à retourner le remplir et donc, rester dehors encore plus longtemps.
Elle y était presque. Elle voyait déjà les murs de l’abri qu’un des gars avait entrouvert pour la laisser passer, à l’autre bout de la place. Il la fixait de loin, surveillant son retour, ce qui la rassurait. Elle y était presque. Le gars se mit à gesticuler énergiquement. Un salut de bienvenue ? … Non, c’était autre chose… Même de loin, elle pouvait sentir la peur qui émanait de lui… Dricka déglutit. Quelque chose arrivait dans son dos… Comment avait-elle pu ne pas l’entendre ?

Non, pas ça…

Courir et renverser le bidon ? Tout le monde lui en voudrait et elle passerait un sale quart d’heure, c’était certain. Elle serait peur-être même bannie et livrée à elle-même. Il fallait trouver autre chose. Vite. Très vite. Elle posa le bidon à terre et partit en courant pour essayer de fuir. Les autres pourraient récupérer le bidon plein plus tard, peut-être même la féliciter pour sa bravoure et elle, elle aurait peut-être le temps d’échapper à la chose qui la suivait. Elle était rapide et agile, elle avait une chance d’y arriver en poussant un peu.
Se jetant dans une course effrénée, les poumons en feu et le regard vacillant, elle fit son possible pour arriver dans le couvert d’un immeuble délabré. Elle pourrait peut-être semer la chose dans les étages. Plus que quelques mètres et elle y serait… Encore quelques-uns…

Allez… Allez ! Presque !


Une douleur fulgurante dans son dos coupa le peu de souffle qu’il lui restait. Projetée à plat ventre par une créature plutôt vindicative, Dricka poussa un cri de douleur. C’était comme ça qu’on finissait ? Le nez dans la poussière à implorer pour rester en vie ? A bien y réfléchir, à quoi bon se raccrocher à une vie aussi misérable ? Elle en avait assez de mendier un peu d’air, un peu d’eau ou tout simplement le simple droit de survivre sur une terre aussi hostile. Elle préférait mourir, espérant que la chose l’achèverait rapidement.
La souffrance, ce n’était pas vraiment son truc… Elle serra les paupières et les poings, maudissant cette époque sombre. Elle avait déjà essayé d’imaginer ce que ça faisait, de mourir. Une dernière seconde, un dernier souffle d’air et pour finir, plus rien…

Bah… Elle allait bien voir d’elle-même finalement…


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Message par Dricka Jeu 24 Juin - 15:22

Respiration profonde… Douleur lancinante… Tentative de mouvement d’épaule… Douleur aigüe dans le bas du dos…

- T’es réveillée, ça y est ?

Pour toute réponse, un gémissement plaintif s’échappa de ses lèvres, comme s’il avait été produit par quelqu’un d’autre. La douleur agissait comme un voile, la poussant dans ses retranchements et prenant le contrôle du moindre de ses gestes. Si la douleur ne la manipulait pas, elle aurait déjà abondamment insulté le pauvre erre qui s’intéressait avec une certaine rudesse de son état.

- C’est quoi ton nom, ma grande ?

Au prix d’un bel effort de volonté, elle repoussa la douleur pour essayer de se souvenir de ce qu’il y avait avant elle. Son nom ? C’était comment, déjà ? Il fallait relancer la machine, se concentrer, faire un nouvel effort… Ah oui ! Dricka. Voilà, c’est ça, Dricka… Se souvenir de son prénom, c’est une bonne chose de faite. A chaque jour suffit sa peine, et là, elle en avait eu bien assez, de la peine. Ne lui restait plus qu’à se retourner et se rendormir pour que la douleur lui laisse un peu de répit…

-Hé, tu m’entends, gamine ? Réponds ! Tu te souviens plus, c’est ça ?

Quel emmerdeur…

Bon, d’autres efforts à fournir en perspective, et pas des moindres ! Dans un premier temps, retrouver l’usage de la parole pour lui répondre puis éventuellement et si elle se sentait d’humeur, quelques autres fonctions vitales nécessaires pour l’envoyer promener avec un beau geste bien obscène. Ah, et la vue aussi, histoire de voir l’effet que ça lui ferait. Tout un programme, donc… En espérant que la douleur finisse par se calmer.

Un certain temps passa durant lequel Dricka cherchait les connexions entre ses différents mouvements. Pas évident de se rappeler de tout d’un coup quand l’apprentissage de tout ça s’est fait au fur et à mesure de l’enfance. Rien que pour ça, elle méritait bien une médaille, non ? Il faudrait qu’elle la demande. Mais à qui au fait ? Il faudrait aussi demander… Tout ça, ça commençait à faire beaucoup de choses pour la même journée. Sans compter la douleur pensante et omniprésente. Oui, ça méritait vraiment une médaille ! Il devait bien y a avoir un mec qui gérait ce genre…

Allez, concentre-toi, un peu !

Un nouvel effort surhumain l’arracha au tourbillon de pensées sans queue ni tête dans lequel elle s’était égarée. On lui avait sûrement donné un remède douteux pour calmer la douleur. Douteux et surtout inefficace…

-Dr….k…

Une quinte de toux raviva la souffrance de son dos, lui coupant le souffle et faisant monter des larmes à ses yeux. C’était comme avoir un fou rire quand on a mal à la gorge : ça fait mal, mais on ne peut pas s’arrêter.

-Hola, du calme ! Tiens, bois un peu !

Un récipient se présenta à sa bouche pâteuse de lendemain de cuite et aussitôt, un liquide presque frais coula dans sa gorge. Elle en vaporisa une partie en toussant au visage de l’inconnu, mais l’effet fut immédiat : sa toux se calma rapidement, pour la laisser souffler une seconde, le temps de retrouver la parole.

- Dricka…

Ses yeux papillonnèrent une seconde avant de se refermer. La lumière aveuglante lui vrillait le cerveau et elle n’avait pas vraiment besoin de ça pour le moment.

-Ok. Reposez-toi encore, petite. Tu reviens de loin, tu sais ? Tu me fais penser à ce type qu’on a ramassé une fois et qui…

Dormir… Juste dormir et ne plus entendre les jacassements insupportables de ce gars… Dricka soupira et, le remède douteux aidant, sombra à nouveau dans un presque coma réparateur.

A chaque jour suffit sa peine, et là, c’était déjà bien suffisant.


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Message par Dricka Jeu 24 Juin - 15:23

- Bon, ça semble aller mieux. Je pense que tu peux sortir maintenant. Essaye de faire attention quand même, on sait jamais.

-Ok. Merci beaucoup, Doc.

-Ah mais heu… De rien…

Au ton hésitant de l’homme aux cheveux grisonnants, Dricka se retourna pour le fixer avec insistance. Sentant la suture de son dos tirer de façon désagréable sur sa peau, elle déplaça son corps avec précautions de façon à lui faire face.

-Y a un problème, Doc ?

L’homme d’âge avancé soupira en s’asseyant sur un semblant de chaise en se frottant consciencieusement les mains. Un geste que Dricka lui avait vu faire bien des fois. Sûrement un tic pour cacher son malaise flagrant.

- Hé bien, c’est que… Tu sais les médocs, les instruments, tout ça… c’est pas évident à trouver de nos jours… Puis chacun a une tâche à accomplir pour le camp et tu comprendras que…

- Ouais c’est bon, j’ai compris. Accouche, je dois faire quoi ?

Le Doc eût l’air soulagé de voir que les choses se déroulaient dans une atmosphère aussi coopérative. La conversation devait souvent tourner au vinaigre et à voir certaines des cicatrices qui sillonnaient ses bras, le vinaigre devait être plutôt piquant et parfois même cinglant. Il déglutit en se concentrant sur ses mains qui se frottaient l’une contre l’autre avec la fougue des amoureux fébriles.

-Hé bien, les sages ont repéré des ruines bien conservées un peu au Nord d’ici. Mais bon, tu sais c’que c’est. On est tous trop vieux pour s’y risquer et il faut quelqu’un de petit pour se faufiler dans les recoins. Y a eu des éboulis et quoi qu’on fasse, les balèzes, ils passent même pas leurs épaules dans les passages les plus étroits…

- Ah. Et donc, ils ont pensé à moi ?

- En gros c’est ça, ouais.

Il toussota avant de poursuivre avec un peu moins d’hésitation et un peu plus de confiance. La position sereine de Dricka avait dû lui inspirer un peu de courage : celle-là ne lui taperait pas dessus apparemment.

- Je vais être franc : t’es une étrangère ici. Une créature t’as traînée jusque là pour te bouffer, mais t’as eu une sacrée chance que nos éclaireurs passent par là pour te sauver.

Dricka hocha la tête sans quitter ses yeux du regard. Oui, elle avait eu beaucoup de chance, surtout qu’elle ne s’attendait pas à rouvrir un jour les yeux. Le Doc l’avait remise peu à peu sur pieds avec le maximum de professionnalisme dont pouvait faire preuve un homme qui avait appris sur le tas. Même si il avait été cannibale dans sa vie précédente, maintenant, c’était le Doc et ça suffisait à Dricka pour lui confier sa convalescence. Enfin, pas qu’elle ait eu vraiment le choix en fait… Le Doc reprit.

- … Bref, tu comprends bien qu’ils préfèrent envoyer une étrangère plutôt que leurs propres gosses. C’est légitime.

- Ouais, c’est tout à fait normal. Y a pas de mal, Doc, je comprends bien.

Il déglutit à nouveau après s’être éclaircit la gorge. Sa voix se fit à nouveau incertaine, entrecoupée de bégaiements, comme si il voulait se débarrasser rapidement de cette épreuve.

- E-enfin sinon, y-y a d’autreuhhh… A-alternatives ?

Le regard aiguisé du Doc glissa le long de ses formes presque inexistantes de jeune fille sous-alimentée pour bien lui faire comprendre de quelles « alternatives » il parlait. Dricka détourna le regard en se tortillant sur son matelas claffi de puces : à présent, c’était elle qui était franchement mal à l’aise. Elle avait déjà vu ce genre d’usage scandaleux dans le camp précédent où elle avait échoué presque par hasard. Si elle refusait de faire le sale boulot des autochtones, elle pourrait toujours servir à le « repeupler »…

La simple idée de devoir se laisser faire face à un vieux cochon pour la gloire et la grandeur du camp lui donnant des sueurs froides et déterrant des souvenirs plutôt pénibles enfouis dans sa mémoire, elle sauta sur l’occasion : entre pute et aventurière, le choix – si on peut parler de choix – serait vite fait. Après tout, elle devrait être morte à l’heure qu’il est. La Providence lui avait fait cadeau de quelques jours de plus, maintenant, il fallait la rembourser pour sa bienveillante générosité.

- Bon, pas d’alternatives… Je commence quand, Doc ?

Il hocha la tête avec un sourire, légèrement soulagé par sa décision.

- Va rendre visite aux Sages, ils t’expliqueront.

- Ok. Et encore merci pour tout, Doc.

- Faut pas, c’est mon boulot.

Dricka sortit de la cahute branlante du Doc et plissa les yeux sous la lumière aveuglante du soleil. Premier pas dans la lumière depuis des semaines… Le premier pas, c’est toujours celui qui coûte le plus…


Dernière édition par Dricka le Jeu 24 Juin - 15:38, édité 1 fois
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Message par Dricka Jeu 24 Juin - 15:23

La masure la plus grande du camp abritait le Conseil des Sages, un nom particulièrement pompeux et hors d’âge pour un ramassis de vieux, du point de vue de la jeune fille. L’extérieur, comme pour toutes les autre bicoques des environs, ne payait pas de mine. Un bouiboui monté de bric et broque avec un toit en tôles rouillées et rongées par les pluies acides et des murs de pierre qui s’effritaient au moindre coup de vent. L’entrée, gardée par deux grands balèzes à la mine peu engageante, n’était en fait qu’un drap aux couleurs criardes fanées et du plus éclatant mauvais goût, pendant misérablement en guise de porte. Dricka expliqua succinctement sa venue aux deux gardes qui s’effacèrent de son passage avec un « Entre » plutôt polaire. Malgré un extérieur à l’aspect délabré, l’intérieur s’avéra luxueux.

La grande salle à l’atmosphère saturée de fumée, protégeait des trésors incroyables de l’Avant. Le sol était couvert de tapis épais et assez bien conservés qui amortissaient ses pas. De grands cadres posés contre les murs représentaient des scènes aux couleurs vives, montrant des gens ravis et détendus se promenant dans les rues étincelantes de propreté. Qu’avait-il bien pu se passer pour que cette civilisation grouillante de vie périclite à ce point ?

Ses yeux furent ensuite attirés par des objets insolites de l’Avant exposés un peu plus loin dans le brouillard. Dricka n’en avait jamais vu en aussi bon état. Au milieu de tous les objets hétéroclytes entassés là, un grand coffre était appuyé contre un mur. Deux vitres permettaient de voir à l’intérieur où pendait une ferraille rouillée dans la partie basse et dans la partie haute, un cercle blanc avec des symboles tout autour et deux tiges fines au milieu, dans la partie haute du coffre. Une planque pour cacher ses affaires peut-être ? Non, les vitres laissaient voir l’intérieur, ce qui était franchement stupide pour une bonne planque… Les gens de l’Avant avaient vraiment des coutumes étranges. Dricka plissa les yeux pour mieux percer la brume au doux parfum d’herbe d’assaisonnement lorsqu’une voix fatiguée par les années la tira de ses réflexions.

-Passionnant, hein ?

Dricka se tourna vers le fond de la grande salle d’où venait la voix étouffée par le nuage impénétrable de fumée. Elle s’avança pour peu à peu découvrir un grand établi en bois bien lisse et brillant couvert de petits tubes pointus de couleurs différentes et de quelques objets qu’on lui avait dit être des livres. Des symboles se serraient en pavés sur chaque tranche fine avec quelques images par endroits. Derrière le grand établi aux gravures luxueuses se tenaient trois vieux aux visages marqués par les âges et aux corps voûtés par le poids des années. Celui de gauche avait l’un des tubes pointus dans la main et grattait la pointe sur l’un des livres avec une grande concentration, ne lui accordant aucune attention. Le tube coloré laissait des marques de forme incertaine sur le livre. Son crâne quasiment dépourvu de cheveux portait quelques marques de blessures apparemment recousues avec grand soin. Elle se prit à espérer que le Doc lui ait aussi bien rapiécé le dos que ça. Les cicatrices étaient des trophées montrant la force de vie et la volonté de ceux qui les arboraient, mais Dricka ne tenait pas spécialement à avoir une vilaine boursouflure entre ses omoplates.

Le vieux de droite avait une importante masse de cheveux blancs qui lui faisaient comme un halo hirsute autour de son visage. Il la fixait de ses yeux bleus, la détaillant des pieds à la tête avec froideur. Son regard perçant donnait l’impression à la jeune fille d’être un animal destiné au troc et inspectée sous toutes les coutures pour éviter une quelconque escroquerie. Ses deux mains squelettiques comme des branches d’arbre mort étaient jointes sur le grand établi, immobiles.

Pour échapper au regard insistant du vieux de droite, Dricka se tourna vers celui du milieu. Son visage, tout aussi fripé que ceux de ses deux collègues, était chiffonné par un sourire.

- Joli bureau, pas vrai ?

Le vieil homme du milieu était manifestement celui qui l’avait interpelée. Il caressait la surface brillante de l’établi qu’il venait de qualifier de bureau. Sans se départir de son sourire, il lui présenta l’une des chaises qui se trouvaient face d’eux. Le vieillard de droite la toisait toujours avec froideur et celui qui grattait ses tranches fines finit par relever la tête, la fixant d’un air étonné, comme s’il n’avait pas remarqué son arrivée. Dricka se glissa sur la chaise sans rien dire en hochant la tête. Oui, le bureau, puisque c’est comme ça que ça s’appelait, était en effet très beau.
Elle avança la main pour toucher cette surface polie qui renvoyait le peu de lumière de la pièce de façon hypnotique, mais se ravisa. Un froncement de sourcils du vieux de droite suspendit son mouvement qu’elle finit en passant sa main dans ses cheveux sales pour se donner une contenance. Le vieux du milieu croisa les bras en s’enfonçant dans son fauteuil à l’aspect confortable. Rembourré et bien épais comme il l’était, ce devait être plaisir de s’y détendre pour peu qu’on ait la possibilité de le faire.

-Bon, on va pas tourner autour du pot. Doc a déjà dû te mettre au parfum et si t’es là, c’est que t’es intéressée, non ?

Dricka hocha la tête en se retenant de faire une remarque malheureuse qui aurait pu réduire grandement sa marge d’activité. Elle n’avait pas tellement eu le choix au final : ça ou servir d’usine à futur… Quel choix cornélien !

-Bien. Je te cache pas que c’est un boulot dangereux. Il faudra explorer des ruines inconnues avec des risques d’effondrement, peut-être même qu’il y aura des monstres d’ailleurs. Enfin bon, on sait pas trop ce qu’il y a sous nos pieds.

Le vieux qui grattait sortit de sa torpeur et eût un sourire enfantin.

- Oui, oui ! Mon père m’a amené plusieurs fois dans le métro quand j’étais petit… C’était immense ! Et les rames faisaient un de ces bruits… Même le sol tremblait !

Dricka lui fit un sourire poli : elle n’avait pas la moindre idée de ce dont il parlait mais ça semblait effrayant. Comme tous les vieux qui avaient connu l’Avant, ces trois-là employaient des mots inconnus et avaient cette étincelle de nostalgie dans le regard lorsqu’ils parlaient de leur vie à l’époque. Tous en faisaient un tableau idyllique, un véritable paradis. Cependant, Dricka en doutait. Si tout allait si bien, pourquoi l’Humanité avait-elle subit un tel changement ? Peut-être qu’ils étaient tout simplement trop petits pour se rendre compte de l’état du monde à l’époque. Tout à l’air si grandiose et coloré durant l’enfance ! Jusqu’à ce que la réalité vous charge et vous renverse comme un balèze en pleine course. Là, tout perd de sa saveur, les couleurs se ternissent et la magie s’évapore. Et en ces temps difficile, on perdait son innocence bien trop vite.

Dricka s’éclaircit la gorge en se tortillant sur sa chaise. La fumée agressait ses yeux, le vieux de droite continuait de la transpercer de ses yeux froids, augmentant son malaise et la confortant dans son idée : il fallait quelle sorte prendre l’air.

-Bon, en gros, je dois vous sortir des veux machins de là-dessous, c’est ça ?

Le vieux au regard acéré hocha la tête avant de parler d’une voix profonde et posée, son visage toujours de marbre.

-C’est ça. Il nous faut des infos sur le passé et c’est toi qui va aller nous les chercher. Il nous faut des livres. Plein de livres. C’est dans les livres qu’on trouve tout. Puis des objets en bon état aussi. C’est important pour comprendre comment ça marche et pour voir si on peut les remettre en marche.

Il fit un geste ample pour montrer le capharnaüm de l’Avant qui les entourait avant de poursuivre.

- Tu vois, tous ces objets ont été retrouvés par les autres explorateurs du campement. Mais ils sont un peu trop baraqués pour aller fouiller là où c’est vraiment utile. Alors que toi, tu pourras.

- Ok. Je commence quand ? Et c’est où ?

Le vieil homme du milieu lui fit un sourire d’encouragement. Il semblait ravi de la voir accepter si vite.

- Hé bien, tu commences de suite. Les gars dehors vont t’expliquer où il faut aller. Pour chaque chose intéressante ramenée, tu auras de la nourriture. Ça te va ?

Dricka esquissa un sourire. Elle n’allait pas plus risquer sa vie que les fois où elle sortait chasser et au moins cette fois, elle aurait à manger avec certitude.

- Ça marche.

- Parfait. Alors bon courage !

La jeune fille prit le chemin de la sortie le cœur un peu plus léger. Un semblant d’avenir se profilait enfin devant elle.


Dernière édition par Dricka le Jeu 24 Juin - 15:48, édité 2 fois
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Message par Dricka Jeu 24 Juin - 15:24

Une fois encore, Dricka sortit de la masure délabrée du conseil, fermée par une vieille serviette décolorée et puant le mal séché et
gardée par deux gros bras, très très imposants et pas du tout sympathiques.

Foutus vieux cons !


Elle avait passé la journée à ramper dans des gravats et dans la poussière pour trouver des babioles pour eux et pour leur collection de vieux trucs. Après avoir éternué jusqu'à en avoir mal à la tête à cause de ladite poussière, elle était parvenue à attraper le machin qui ressemblait à une épée mais qui fait pas mal et colorée en vert. Quand les vieux avaient vu ça, ils avaient sauté de joie et l'un d'eux l'avait maniée en faisant des "vrrrrmmm", "vziouuu" dans l'air, comme si il se battait contre quelqu'un, sous les acclamations des deux autres vioques.


Dricka souriait aussi, mais elle, elle pensait plutôt à sa récompense. Quand elle ramenait des trucs qui leur plaisait, elle savait qu'elle aurait de quoi manger pendant deux jours : un vrai privilège qu’elle devait à son statut de trouveuse de vieux trucs. Malheureusement, après avoir bien joué avec leur nouveau jouet, ils s’étaient tournée vers elle et lui avaient donné tout juste
de quoi calmer sa faim : une pauvre pomme à l’aspect douteux et habitée par un vers rouge à queue de scorpion… Serrant les dents et les poings, elle était sortie de la grande pièce comme une tornade sans même les remercier.


-Qu’est-ce que t’as, gamine ? T’as un problème ?

La voix de l’un des chiens de garde retentit au-dessus de sa tête. Loin au-dessus même, vu la taille du gars. Elle leva son visage renfrogné vers lui, retenant avec peine un bon « mon problème c’est ta gueule de grand ! » qui, dans le meilleur des cas, lui aurait très certainement rapporté un coup de pied au cul. Les doigts crispés sur sa pomme pourrie-HLM, elle marmonna un « rien ! » entre ses dents et s’en fut rapidement sans demander son reste.

Marre de tous ces vieux profiteurs !

Elle donna un coup de pied boudeur dans une vieille boîte de conserve vidée depuis bien longtemps qui atterrit contre un bidon dans un bruit de casserole pas très musical. Marre des vieux qui se servent des gosses ! Ils font miroiter plein d’avantages en cas de travail sérieux puis au final, c’est toujours les petits qui se font entuber ! Elle prit quelques inspirations pour essayer de se calmer malgré le ton désapprobateur de deux autres vieux cons qui n’avaient pas apprécié de voir passer une boîte de conserve entre eux. Marre ! Vraiment marre ! Pour toute réponse, elle tendit son majeur à leur attention et sortit du campement à la recherche de son coupain Eels. D’après ce qu’il lui avait raconté la dernière fois qu’ils s’étaient rencontrés, il avait eu l’idée de créer un clan que pour les mioches comme eux.
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